La Crimée, cette contrée m’intrigue depuis ma tendre enfance. Je me souviens du jour où l‘équipe de Sylvain Augier présentait la destination comme la Côte d’Azur des Russes dans son émission « Faut pas rêve! » Mais la Crimée c’est aussi Sébastopol et l’offensive de Napoléon, Yalta et les fameux accords décisifs de la Seconde Guerre Mondiale, ou plus récemment l’annexion russe cristallisant les tensions entre Europe et Russie. Cet article ne sera pas consacré à ces événements mais bien aux richesses de ce territoire si peu connu des Européens de l’Ouest.

La Crimée, qui signifie « ma colline » en tatar, est une péninsule russo-ukrainienne qui s’invite dans la Mer Noire. Elle est bercée par des influences antiques Grecques, Romaines, Scythes, Mongoles, Génoises, Arménienne, Ottomanes puis Russes. 

Les monts de Crimée sur la côte Sud-Est sont assez élevées (1 500 mètres d’altitude), et se jettent dans la Mer Noire en dessinant des plateaux intérieurs de 500 mètres d’altitude. Le climat méditerranéen en fait une destination balnéaire de choix.

Moscou

Les vols directs vers Simferopol et la Crimée n’existent pas, on en profite donc d’une escale de deux jours pour découvrir la Capitale russe et nous ne le regretterons pas !

Nous sommes littéralement tombés sous le charme de cette ville grouillante qui compte plus de 12 millions d’habitants. Evidemment en deux jours nous devons faire des choix. Le temps est au beau fixe et notre première découverte sera la majestueuse Cathédrale du Christ Sauveur toute blanche et coiffée de dômes dorés dominant le fleuve Moskova. On profitera d’une soirée sympathique en terrasse sur l’île Bolotny à deux pas de là !

Kremlin

Le lendemain on se dirige vers la vaste Place Rouge, symbole de la Russie où se déroulent les grandioses défilés militaires. La Place envahie de badauds jouxte le Kremlin et ses remparts imprenables, la surréaliste Cathédrale Basile-le-bienheureux et ses dômes colorés, le Musée historique d’Etat couleur écarlate et le Mausolée de Lénine. Le décor est planté. L’excitation monte, on y est !

En fait, contrairement à ma maigre connaissance sur le sujet, le Kremlin n’est pas que le siège politique du pays. Il s’agit d’une forteresse qui englobe de nombreux bâtiments, palais, tours et lieux sacrés. La Place des Cathédrales est sans comparaison possible. Sur la même Place, il suffit de tourner sur soi-même pour admirer 3 Cathédrales, 2 églises, 3 Palais et un clocher ! Et les intérieurs sont encore plus impressionnants flanqués d’icônes dorées à l’or fin. Quel faste !

Eglise Basile le Bienheureux

La Basilique surmontée de clochers qui ressemblent à des cup-cakes bariolés est le symbole de Moscou et il mérite amplement une visite, contrairement à ce que nous avons pu lire avant de venir. La légende veut que les architectes qui ont conçu l’édifice se firent crever les yeux sur ordre du tsar pour les empêcher de reproduire cette architecture si extraordinaire. L’intérieur est un dédale de méandres et passages qui mènent à des petites salles de prières richement décorées. On aura l’occasion d’assister à un concert de chants orthodoxes particulièrement prenant dans ce cadre enchanteur.

On quitte le Kremlin pour faire un saut express au fameux Goum, le plus luxueux centre commercial de Russie. Puis on prend de la hauteur en allant se balader du côté de l’Université que nous rejoindrons en métro. La vue sur la ville y est somptueuse entre centre historique et quartier des affaires plus moderne. La longue avenue qui longe le promontoire est également le spot des bikers et autres fous du volant qui n’hésitent pas à faire rugir leur moteur, crisser leurs pneus et se défier pour devenir le boss des lieux. Les bâtiments universitaires sont monumentaux et reflètent l’architecture stalinienne.

Bye bye Moscou ! Et en route pour la Crimée !

Crimée

Yevpatoria

Ca y est nous y sommes. On touche le sol de Crimée.

Après avoir récupéré notre voiture de location, on se dirige vers Yevpatoria, appelée aussi Eupatoria.

Cette ville a attisé ma curiosité en préparant le voyage car elle est est surnommée « Little Jerusalem ». Elle concentre dans un mouchoir de poche une mosquée, une cathédrale orthodoxe, une église arménienne, une synagogue, une kenassa (édifice sacré karaïte) et une tekie soufie (édifice sacré des derviches). On en profite pour se reposer et profiter du bord de mer car le voyage nous a épuisé !

Je suis conquis ! Mention spéciale pour l’église orthodoxe et son intérieur multicolore incroyable ! On prendra un repas tatar dans un restaurant traditionnel qui nous apporte ce petit cachet exotique et oriental que nous étions venus chercher ! L’endroit est splendide.

Bakhchisaray

On poursuit notre périple vers la Capitale du Khanat de Crimée : Bakhchisaray (mot compte triple). La ville se situe à l’entrée d’une petite vallée encaissée. Nous logerons dans un bel hôtel traditionnel bien tenu offrant une vue de choix sur la ville et le Palais. L’appel à la prière du soir sera un moment particulièrement agréable et dépaysant.

Palais du Khan de Crimée

Le Hansaray, ou Palais du Khan a été construit au 16ème siècle dans le style tatar. Aujourd’hui musée, il était alors la résidence principale des Khans de Crimée.

Les Tatars de Crimée sont en fait issu de différents peuples de la steppe venus se réfugier dans les montagnes de Crimée au 15ème siècle pour fuir les invasions mongoles. Ils embrassent l’islam sunnite et forment le khanat de Crimée qui sera allié de l’Empire ottoman et prospérera jusqu’à son déclin face au pouvoir de l’Empire russe fin 18ème.

A l’intérieur des murailles du Palais se trouvent une mosquée, un harem, un cimetière, de somptueux salons d’apparat, des jardins et une tour de fauconnier. Les lieux sont célèbres en Europe de l’Est car ils constituent un véritable coup de cœur pour l’impératrice Catherine II. Un célèbre poème de Pouchkine rappelle également le destin tragique de la femme polonaise du Khan Qirim Giray, issue de son harem et partie trop tôt. Le Khan, jugé particulièrement cruel, fit construire une fontaine en hommage à sa défunte femme symbolisant les larmes éternelles qu’il verserait pour elle.

Monastère orthodoxe Ouspenski

On poursuit notre balade en plein cagnard en direction du Monastère Ouspenski. On passe d’abord devant l’ancienne Madrasa de Bakhchisaray bien mise en valeur et totalement déserte. Les parois rocheuses qui enserrent la vallée se font de plus en plus massives. Ça commence à grimper. Ça y est on y est, le monastère est particulièrement impressionnant, avec son église adossée à la roche et ses icônes peintes à même la falaise à une cinquantaine de mètres de hauteur.

Le monastère fut fondé au 8ème siècle et abrite une célèbre fontaine à la Vierge Marie. La tradition de tolérance des Tatars a permis aux populations chrétiennes de rester dans la vallée près du monastère.

On se promènera sur la falaise qui fait face au Monastère pour obtenir un cliché qui rende véritablement compte de cet effet majestueux du monastère troglodyte ne faisant qu’un avec la roche. Les hautes herbes nous réserverons de belles surprises car un serpent brun de belle taille, surpris par mes pas, tentera de me mordre avant de prendre la fuite ! Pfiou !

Forteresse karaïte de Chufut Kale

Le chemin vers l’ancienne cité troglodyte est escarpé et le soleil est toujours de la partie ! Enfin, derrière les arbres, les falaises apparaissent et on distingue des cavités creusées dans la roche. Cette ville est très ancienne et était placée sur une ancienne route commerciale où les roues des chariots ont laissés des traces impressionnantes !

A l’époque du Khanat de Crimée, la ville a été baptisée Chufut Kale, littéralement forteresse juive. Les karaïtes, qui pratiquent une forme particulière du judaïsme basés uniquement sur les écrits, s’y établirent dès le 15ème siècle. Ils constituaient une communauté bien représentée en Crimée.

La cité, particulièrement étendue, compte plusieurs dizaines de pièces creusées à même la roche. Chufut Kale compte également une mosquée, un mausolée, deux kanessas, deux fermes et une pièce troglodyte de belle dimension où était frappée la monnaie. Elle domine un canyon exposé au vents. La vue est imprenable !

Yalta

« Yalta », chaque Français en a entendu parler pendant sa scolarité grâce à la fameuse Conférence de Yalta qui scellera la fin de la deuxième guerre mondiale. Et pourtant, bon nombre d’entre nous ne sait pas le situer sur une carte.

La première chose qui nous surprend, c’est le côté accidenté de la côte qui nous fait penser à la Côte d’Azur, mais surtout la verdure omniprésente. Kristina, notre guide et amie nous expliquera qu’en fait, Yalta a toujours été un lieu de villégiature très prisé par la bourgeoise russe et que des quantités pharaoniques de terres arables ont été apportées ici. Le contraste est saisissant avec la partie Est de la côte de la péninsule de Crimée qui devient de plus en plus aride.

Nous profiterons d’une agréable balade le long de la Promenade aménagée en bords de mer, avant de visiter la superbe Cathédrale Nevski et les Parcs du Palais Lividia où furent signés les accords historiques.

Nid d’hirondelles

Le Château du Nid d’Hirondelle est un château de style néo-gothique construit début 1900 surplombant un à-pic de plus de 40 mètres de haut. Il constitue un symbole fort de la Crimée.  Il parait posé en équilibre sur la falaise, dominant fièrement la Mer Noire et ses eaux aux teintes claires et foncées, particulièrement propice aux photographes en herbe !

Palais Vorontsov

Encore un Palais fastueux sur notre chemin, nous voici au Palais Vorontsov. Après un château aux influences rhénanes, ce Palais est un véritable métissage d’influences architecturales : arche turco-mongole,  éléments néo-gothique écossais et néo-mauresque.

Construit dans les années 1830, l’ensemble est particulièrement original. Sa situation idéale offrant une vue imprenable sur la Mer Noire, entourée d’un immense jardin paysager abritant plus de 200 essences végétales propose pour arrière plan la Montagne sacrée Aï Petri (Saint-Pierre en grec) ! Un petit bijou !

Mont Aï Petri

Fini les visites culturelles, on a envie de grands espaces ! C’est parti pour une route interminable en lacets pour gravir le Mont Aï Petri.

Certainement le sommet le plus célèbre de Crimée, il domine la région du haut de ses 1 235 mètres d’altitude. Une série de ponts himalayens permettent de rejoindre ses trois dents caractéristiques. L’une d’entre elle est surmontée d’une croix rappelant le caractère sacré du site ! La vue est littéralement à couper le souffle avec plus d’un kilomètre de vide !

Sudak

Forteresse génoise de Sudak

On poursuit plus vers l’Est en direction de Sudak. La végétation se fait de plus en plus rare. Puis on tombe nez-à-nez avec l’incroyable Forteresse de Sudak.

Comme un air de Muraille de Chine ici en Crimée !

Son origine reste mystérieuse mais remonterait à plus de 2 000 ans. Elle marque l’une des frontières occidentales de la Route de la Soie et a ainsi fait l’objet de nombreuses convoitises (Grecs, Scythes, Khazars, Mongols, Vénitiens, Génois, Ottomans…). Les Génois, grands commerçants, lui auraient donné son aspect actuel, d’où son nom. La vue plongeante sur la baie de Sudak aux eaux émeraudes est splendide !

Sentier de Golitsyn

Dernière étape de notre périple, une petite balade en front de mer. On part sur les traces du sentier de Golitsyn ! Ce chemin de randonnée de choix a été aménagé par le célèbre propriétaire du domaine viticole voisin qui accueillit ici le tsar Nicolas II.

Le sentier longe la côte escarpée et mène à la plage du tsar, la plage favorite de Nicolas II, lovée dans une baie démesurée mais secrète en raison de son accessibilité difficile.

Je tiens à remercier tout particulièrement Bgirl Lena sans qui ce voyage n’aurait pas été le même. Elle nous a mis en contact avec sa cousine Kristina, une guide exceptionnelle qui nous a accompagné lors de notre roadtrip criméen. Si vous envisagez de vous y rendre, ce contact vous sera très utile car la barrière de la langue constitue quand même un handicap de taille. 

La Crimée nous a vraiment offert un spectacle saisissant. Son métissage et sa nature nous ont séduit, ses habitants bien accueillis, sa culture tatare dépaysé ! Ce territoire est exceptionnel et mérite plus que la triste réputation liée au déchirement actuel entre la Russie et l’Ukraine. 

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